La Queens’

Partir ou rester

À un moment ou à un autre, nous avons pris ou devrons prendre cette décision : s’arracher à son passé dans le but de pouvoir vivre pleinement et librement ce que nous réserve le futur ou
rester attaché à ses racines pour préserver et affirmer le plus vigoureusement possible ce que nous sommes.

Où est l’avenir ? Là où on est présentement ou ailleurs ? Tel est le choix que devront défendre Marie-Élizabeth et Sophie, ces deux sœurs originaires d’une petite ville du Nord de l’Ontario qui reçoivent comme héritage familial La Queens’, l’hôtel-motel de leur père.

L’affrontement entre les deux aura lieu.

Lors de nos conversations sur le théâtre, Jean Marc Dalpé dit toujours que ce qu’il cherche à faire ressortir sur scène, c’est le conflit. En ayant comme irrévocable objectif son éclatement ou sa résolution. Le plus clairement possible et avec concision. Et j’ajouterais avec le souffle de son écriture. Une écriture où tout est dit au-delà des mots et qui porte en elle toute la profondeur et l’humanité de ses personnages. Une écriture qui pénètre l’intime tout en nous parlant du social. Dans une langue rythmée, alerte et nerveuse. Une langue qui donne toute la place au talent des actrices et acteurs.

C’est ce que nous vous proposons ce soir.

Merci à toute l’équipe de création de La Queens’. Votre investissement et votre talent ont donné vie et ont enrichi ce spectacle. Je voudrais saluer d’une façon toute particulière Fernand Rainville à la mise en scène. Merci pour ta complicité au cours de toutes ces années.

Merci à l’équipe de La Manufacture et de La Licorne pour votre soutien.

Merci à vous spectateurs d’être là.

Avec toute mon amitié.

Jean-Denis Leduc

Le Nord me hante

Je me ferme les yeux et j’entends le grondement d’un train qui approche, je sens le froid sur mon visage, je vois une enseigne No Vacancy aux bords de la Transcanadienne une nuit de janvier Il neige Le vent souffle fort

Le Nord me provoque

Je respire mieux ou plus profondément Le ciel est vaste La forêt aussi et tellement plus sombre que la Laurentienne mais peut-être que c’est une illusion Les rivières le sont par exemple plus sombres et sauvages je mettrais ma main au feu

Et les gens aussi

Plus sombres et vastes plus grands plus tranchants C’est sans doute une illusion mais qu’importe

Leurs failles me parlent Leurs obsessions haines humiliations Leurs jalousies aussi

Ils me rentrent dedans

Et j’en fais de la fiction

*

Merci à tous et toutes qui ont participé à l’aventure de passer de la fiction sur la page à celle que vous verrez sur scène ce soir… Denis Bernard et son équipe de La Licorne, Fernand Rainville et son équipe de concepteurs, de production, de comédiens.

Permettez-moi de remercier tout particulièrement Jean-Denis Leduc. Mon ami.

Et comme toujours, ma compagne, Maureen.

Jean Marc Dalpé

Ah ! Le Nord !

Là où sont enfouies des promesses de richesses extraordinaires…

Cette histoire d’héritage et de trahison pourrait avoir lieu n’importe où, mais elle se situe en « Ontario français ». Nous voilà donc encore une fois au cœur de l’actualité politique du pays. À la suite des décisions du gouvernement ontarien de retirer des services aux francophones, la saison des émois pancanadiens sur la situation des Franco-Ontariens est recommencée. Nous sommes témoins d’un élan de solidarité qui me réjouit. Assistons-nous finalement à une prise de conscience que nos droits ne sont toujours pas protégés dans cette fédération au nord de l’Amérique ? Il n’y a qu’une certitude, celle que rien n’est acquis. Même ici, au Québec.

Dans ce royaume de l’Ontario, imaginé par Jean Marc, se joue un drame existentiel où deux visions s’affrontent. La Queens’, c’est un récit identitaire qui pose la question suivante :

Doit-on quitter son passé pour mieux avancer ou, au contraire, rester attaché à son héritage par respect pour ses origines ?

MOUSSA Tu pourrais vraiment y mettre le feu ?
SOPHIE Ce sera comme si on n’avait jamais existé
Ni elle ni moi ni maman ni papa ni nos grands-parents ni
personne se rappellera de nous
On aura été comme le vent.
Un coup de vent…

C’est toujours un plaisir de revenir à l’essentiel, ici à La Licorne. Merci à toute l’équipe de La Manufacture. Jean-Denis, Jean Marc, Patricia, Jean, André, Mireille, Marie-Thérèse, Dominique, Alice, David, Hamidou : vous êtes lumineux.

Bonne soirée,

Fernand Rainville