Psychédélique Marilou

Je suis né à l’aube d’un grand bouleversement. Les années 60 et 70 furent sans contredit des années de contestation et de remise en question, et ce, dans tous les domaines. Au Québec, nous sortions d’une grande noirceur et faisions tout pour garder définitivement la switch à « on » afin de demeurer dans la lumière. Nous avions un urgent besoin, comme peuple, de voir, d’entendre, de vivre. Nous avions un besoin urgent d’évacuer de nos vies les peurs et tout ce qui venait avec.

J’étais enfant en 1960. Je voyais, je sentais cette magnifique effervescence : On courait à la Lune et tout était possible. On le croyait réellement. Le mouvement psychédélique, le « flowerpower », le mouvement peace and love, avec toutes leurs herbes et substances, ont rendu une génération invincible. Qu’elle le soit ou non n’avait pas vraiment d’importance, c’est l’idée qui a compté, les rêves qu’elle a nourris. Parlez-en à des hommes et à des femmes qui ont vécu pleinement cette époque. Qu’en auraient dit Steve Jobs, André Malraux, Leonard Cohen ou Pierre Lalonde ; parlez-en à Richard Séguin, Robert Charlebois, Bob Dylan, à Danièle Ouimet, Donald Lautrec, Pol Pelletier, Jean-Denis Leduc, Michel Tremblay, Robert Lalonde, Claude Dubois, France Castel, Raôul Duguay et tous les autres qui ont voulu un nouveau monde. Nous leur devons notre éternelle reconnaissance ; ils l’ont changé le monde ! Ils ont libéré la parole, ils ont décomplexé toute une jeunesse qui a goûté à la liberté. Une liberté durement acquise, parfois illusoire, mais une liberté quand même.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Nous vivons dans une société qui aurait besoin de la même révolution et du même coup de pied au cul que dans les années 60. Ceux qui ont tout bouleversé sont souvent, hélas, ceux qui ont pris le pouvoir et qui, paradoxalement, sont réfractaires à tout changement aujourd’hui. Décevant.

Pour moi, Psychédélique Marilou, c’est un regard sur le temps qui a passé. Que reste-t-il aujourd’hui de cette époque glorieuse qui prônait la reconnaissance de l’autre, du prochain, de l’ami, de cet autre humain différent et pareil à la fois, cet autre que toute une jeunesse voulait reconnaître et accueillir dans un « vivre ensemble » et « laisser vivre »… Et dans l’amour en plus ? Que reste-t-il de tout ça ? Poser la question, c’est y répondre peut-être.

Merci, Pierre-Michel, pour ce regard plein de tendresse que tu poses sur nous. Merci pour ce voyage empreint d’une belle nostalgie qui nous rappelle que nous vivons dans un monde régi par les dictats de la communication, de la mondialisation, des marchés et du corporatisme. L’humanisme est suspect de nos jours. Merci pour cette visite de San Francisco. Au-delà de la ville, tu nous invites à aller voir ailleurs si nous y sommes. Ça tombe bien, nous sommes ailleurs
justement : au théâtre. Et c’est ici que le voyage prend tout son sens.

Merci à Philippe Lambert qui a suivi le développement de cette œuvre et en a dirigé la production. Merci aux acteurs, actrices, concepteurs et conceptrices pour ce voyage dans le temps. Merci à l’équipe de La Manufacture. Bonne soirée. Peace and love !

Denis Bernard

J’ai vu Saturne et ses anneaux de près. À l’observatoire populaire du parc national du Mont-Mégantic. Accompagné par les guides allumés de la Sépaq, je place l’oeil dans la lunette du télescope, mon esprit se propulse à 1,425 milliard de kilomètres de la Terre en moins d’une
seconde. Lorsque je me prends en « selfie », la distance entre moi et mon écran de téléphone est 1,425 milliard de fois plus courte et mon esprit ne se propulse que dans mon ego.

J’ai souvent envie de prendre de la distance avec moi-même. Lever la tête vers les étoiles. L’humanité le fait depuis toujours. Pour dépasser sa propre nature, son petit soi douillet. On n’a pas toujours besoin d’un télescope pour prendre de la distance et voir plus grand. Ça peut aussi être en voyage, lors d’une discussion qui nous apprend quelque chose, avec une histoire drôle qu’on nous raconte… Peu importe, l’important c’est de voir au-delà de soi.

Lorsque j’ai commencé l’écriture de cette pièce, je suppose que je devais trouver le monde bien trop terre à terre. Dans ma psyché, il y avait une Marilou qui avait soif de transcendance. Et un turbulent Timothy revenant ouvrir les portes de la perception pour cette jeune humaine mêlée. Et des mots qui souhaitaient faire du bien.

Merci d’être ici, avec nous, pour la représentation.

Être ensemble est une si belle façon de voir au-delà de soi.
Bon « voyage »…

Pierre-Michel Tremblay

La liberté ?

Une porte. Vous l’ouvrez. Derrière, ce n’est pas ce que vous souhaitiez voir, mais vous savez intuitivement que c’est le chemin que vous devez prendre. Vous faites quoi ? Ce n’est pas toujours simple. Ça prend du courage, de la confiance et peut-être un peu d’insouciance. On avance, on hésite, on recule, on avance… et on recommence en faisant chaque fois un pas de plus vers une forme de libération. Mais pour combien de temps ?

Timothy Leary et les jeunes des années soixante croyaient s’être libérés d’une certaine aliénation pour se retrouver aujourd’hui englués dans une autre forme de conformisme encore plus insidieuse. La jeune Marilou, comme ses parents, fera face à une « illumination » qui l’amènera à tout remettre en question (et des illuminations dans cette heure et demie de spectacle, il y en aura ! ). Comme toujours, c’est l’humanité qui est au cœur du texte de Pierre-Michel. Des humanités maladroites qui s’agitent frénétiquement sans se rendre compte ( pour
notre plus grand plaisir ) de leur ridicule. Tout ça dans le but de toucher un tant soit peu à cette fameuse liberté. Comme nous tous quoi…

Je veux absolument remercier deux fois plutôt qu’une TOUTE l’équipe de création pour votre générosité et votre talent. Il en fallait pour tenter de transposer sur scène l’esprit du psychédélisme ! En espérant qu’il saura vous faire vibrer.

Je nous souhaite libérés.

Bonne soirée.

Philippe Lambert