Dans le cadre de la pièce Les étés souterrains

Entrevue avec Guylaine Tremblay et Steve Gagnon

L’aventure du solo Les étés souterrains a débuté de façon plutôt cocasse, particulièrement en ce qui concerne la prise de contact entre l’auteur Steve Gagnon et la comédienne Guylaine Tremblay. Nous nous sommes entretenus avec les deux principaux intéressés, afin qu’ils nous parlent de leur rencontre, de la pièce, de ses défis et des beautés du métier.

RACONTEZ-NOUS LA PETITE HISTOIRE AUX ORIGINES DE CETTE PIÈCE.

Guylaine Tremblay : C’est assez rocambolesque! J’étais à l’émission Rétroviseur de Véronique Cloutier. À la fin de l’entrevue, elle m’a demandé s’il y avait quelque chose que je n’avais jamais fait dans ma carrière. J’ai répondu « un solo ». Et j’ai ajouté que j’aimerais bien essayer. Eh bien la journée même, je recevais un texto de Steve! Et on se connaissait très peu !

Steve Gagnon : Je lui ai texté « si t’as le goût d’essayer un solo, moi j’ai le goût de t’en écrire un! » J’avais vu ses shows. J’admire son talent. On est allés dîner la semaine suivante. Elle a embarqué tout de suite.

G.T. : J’ai tellement trouvé ça le fun. Tsé le grand niaisage, on n’a pas le temps.

S.G. : Au resto, je lui ai demandé de quoi elle avait envie de parler. Elle commençait à rendre visite à sa belle-mère en CHSLD et elle m’a répondu « de l’amour, de notre relation avec les personnes âgées, du sort des personnes âgées et isolées ». Voilà.

JUSTEMENT, DITES-NOUS EN DAVANTAGE SUR CETTE PIÈCE. DE QUOI PARLE-T-ELLE?

G.T. : C’est le portrait d’une femme hyper indépendante, très affirmée, qui devra faire face à une perte d’autonomie prématurée. La manière dont cette femme a construit sa vie changera du tout au tout.

S.G. : Oui, c’est l’histoire d’une femme qui a toujours mis de l’avant son autonomie et sa liberté et qui a volontairement créé une certaine solitude autour d’elle. Alors, j’ai eu envie de mettre en parallèle deux sortes de solitudes ; celle qu’on s’impose par conviction et celle que la vie nous impose parfois. Dépendre des autres est sa plus grande peur, mais elle va accepter d’être confrontée à cette vulnérabilité pour aller au bout de la parole et des comptes qu’elle a à rendre. Elle est convaincue que tout se construit dans la parole, qu’il faut tout dire, ne rien taire.

G.T. : Tant que cette femme-là va pouvoir parler, elle va se sentir vivante et utile. Tant qu’elle pourra s’exprimer, la vie vaudra encore la peine. Même à la fin, quand elle a perdu tous les plaisirs de la vie, elle s’accroche à la parole.

LES ÉTÉS SOUTERRAINS REPRÉSENTE UN PREMIER SOLO POUR GUYLAINE. QUELS SONT LES DÉFIS DU SOLO? COMMENT ABORDER LE PERSONNAGE?

G.T. : Steve ne m’a pas ménagée! C’est difficile, mais formidable. Ce personnage est une femme entière, complexe, qui n’est pas du tout dans la minauderie. Elle n’est pas reposante et elle le sait. C’est une passionnée qui peut parfois être casse-couille, car elle a toujours une opinion ou quelque chose à dire, mais je la trouve terriblement attachante et courageuse. Et puis, l’écriture de Steve est complexe, il y a toute une palette à jouer et à explorer en même temps. On sent toute sa sensibilité, sa douceur, son empathie, sa fragilité.

S.G. : Je me suis dit : « un solo c’est un défi, mais c’est Guylaine Tremblay! Comment faire pour lui donner un deuxième défi?! »

G.T. : Je ne peux pas comparer, comme je n’en ai jamais fait. Mais si j’ai accepté de le faire, c’est parce que je suis rendue là, je suis capable. Ça doit quand même être exaltant d’être seule sur scène et de se dire : « faut que je porte la parole d’un auteur et que j’intéresse les gens ». C’est certain que tu ne peux pas lâcher un millième de seconde, parce que tu es seul.e. C’est généreux un solo. J’ai l’impression que ça va être très sportif, ce n’est pas le genre d’affaire avec lequel tu peux partir sur le party!

STRESSANT, ÉCRIRE UN RÔLE POUR GUYLAINE TREMBLAY?

S.G. : Quand on se ramasse entre nous, on est tous des petites affaires peureuses! Guylaine est tellement accessible, chaleureuse, vraie ; je n’avais pas l’impression d’écrire pour un monument, même si elle en est un! En discutant, je voyais la femme dans ses doutes, ses préoccupations, sa vivacité.

G.T. : C’est un métier qui aplanit beaucoup l’âge et les différentes étapes d’où tu es rendu dans ta carrière. Quand on embarque dans un même projet, tout le monde a 20 ans. On a les mêmes doutes, envies, désirs. C’est pour cela que j’aime ce métier. Au début, jeune actrice, je me disais : « Oh mon dieu, je vais travailler avec Andrée Lachapelle ». Et, tout à coup, je voyais une femme qui répétait son personnage et qui devenait vulnérable, sensible, ouverte. C’est la beauté de ce travail-là.

STEVE, EN QUOI CETTE PIÈCE SE DISTINGUE-T-ELLE DES AUTRES QUE TU AS ÉCRITES?

S.G. : La langue est moins poétique ici. On est plus dans le concret, car c’est une femme qui fuit le romantisme, le lyrisme et l’émotivité. Elle va droit au but. C’est beaucoup plus léger, aéré, moins dense et touffu qu’à l’habitude. Et il y a beaucoup de moments d’humour!