Pipeline – Entrevue avec Jenny Brizard et Grégory Yves

C’est avec joie que nous accueillons ce printemps le Black Theatre Workshop et la pièce Pipeline de Dominique Morisseau, dans une mise en scène de ahdri zhina mandiela. L’oeuvre sera jouée en version originale anglaise du 12 au 23 avril, et en français, traduite par Mishka Lavigne, du 26 avril au 8 mai. Puisque la même distribution portera l’oeuvre dans les deux langues, nous avons eu envie de réaliser une courte entrevue avec deux interprètes, Jenny Brizard et Grégory Yves, afin qu’ils nous parlent de Pipeline et de leur expérience de jeu dans la foulée de cette aventure. Rencontre!

1) Parlez-nous de Pipeline, de l’histoire de la pièce et de ce qu’elle vous a apporté en tant qu’interprète?

Jenny : Avec Pipeline, on suit la quête d’une mère, Nya, dans sa course contre la montre pour sauver son fils, après qu’il ait frappé son professeur. Elle doit tenter de convaincre ce « système » – dans lequel les jeunes noirs sont toujours jugés plus sévèrement – que son fils mérite une seconde chance. La pièce aborde donc le délicat sujet du racisme systémique. Comme interprète, elle me permet d’exprimer, à travers le personnage de Nya, ce que toutes les personnes de couleur savent et ressentent, sans avoir la tribune pour le faire: que l’injustice est ancrée dans les murs de nos systèmes.

Grégory : Pipeline, c’est une pièce principalement centrée sur une mère (Nya) et son fils (Omari), mais qui rejoint l’histoire de plusieurs personnages qui les entourent. À la suite d’une altercation à l’école, tous devront faire face au système dans lequel ils vivent et qui influence chaque aspect de leur vie. En tant qu’interprète, c’est vraiment l’occasion d’incarner un personnage doté d’un monde intérieur très riche et détaillé. J’ai terminé l’école de théâtre depuis peu et je ne croyais pas avoir la chance de jouer si rapidement dans ce type de pièce. Donc, pour un jeune interprète, c’est vraiment l’occasion d’une vie.

2) Parlez-nous de l’expérience de jouer la même pièce dans deux langues différentes! Qu’est-ce que ça change à votre jeu/votre personnage? Abordez-vous votre personnage de façon différente selon la langue dans laquelle vous jouez?

Jenny : Je suis francophone et j’ai ensuite appris l’anglais. J’ai découvert, durant les répétitions, à quel point notre langue maternelle nous permet d’être plus nuancés dans notre façon de nous exprimer. Comme si on comprenait davantage la racine des sentiments et comment les partager. Ceci dit, c’est un luxe de travailler dans les deux langues, puisque chacune nourrit l’autre.

Grégory : En toute honnêteté, je peux dire que j’étais un peu intimidé, mais très excité. Malgré le fait que j’ai été éduqué en français les premières 18 années de ma vie, je n’ai jamais vraiment eu la chance de jouer une pièce complète dans cette langue. Donc, il y a eu beaucoup de découvertes durant ce processus et, pour moi, les deux langues s’apportent l’une l’autre et m’aident à créer un personnage plus complet. Malgré ça, il y a quand même des petites différences qui ressortent dans le jeu, parce que la musicalité des langues est différente.

3) Pourquoi venir voir Pipeline? Que diriez-vous au public qui désire assister au spectacle ou qui serait tenté de venir le voir?

Jenny : C’est l’occasion d’avoir une rencontre inédite entre les communautés francophones et anglophones, mais aussi avec la communauté noire. Quoi qu’on traite d’un sujet très précis, l’amour reste quand même à la base de tout. Et le texte est formidablement bien écrit.

Grégory : Venir voir Pipeline parce que c’est une histoire qui concerne tout le monde. Venir voir Pipeline pour assister à une même pièce qui se joue dans deux langues différentes. Venir voir Pipeline pour découvrir plusieurs artistes noir.e.s. Venir voir Pipeline pour s’imprégner d’histoires qui nous entourent, mais qu’on ne vit pas nécessairement. Venir voir Pipeline pour voir ma belle face en personne!

Crédits photos: Jenny Brizard: Karin Benedict / Grégory Yves: Jean-Marc Abela