Cher public…
C’est avec beaucoup d’excitation (voire même un sentiment paranormal d’euphorie) que je vous souhaite la bienvenue à cette représentation des Ânes Soeurs, ma nouvelle création qui je l’espère saura vous faire rire mais aussi vous dorloter l’esprit de sa douce folie. J’ai travaillé d’arrache-pied sur cette production, j’ai porté plusieurs chapeaux, j’ai conduit des camions, j’ai fait un peu d’insomnie mais j’ai surtout beaucoup ri, et tout au long de ce projet, qui a une place très importante dans mon cœur et dans ma carrière, la chose qui me motivait par-dessus tout à ne pas lâcher c’est d’imaginer vos réactions car j’ai conçu cette comédie comme un cadeau que je vous offre pour souligner le plaisir d’être en vie, le partage et l’amitié. Mais commençons par le début : l’écriture de cette partition pour deux comédiens taquins.
C’est le maudit Yves Jacques qui m’a demandé de nous inventer une pièce afin que nous puissions partager la scène ensemble. Cet acteur formidable avait déjà joué dans deux autres de mes créations (Trip et Je suis mixte) et au fil des répétitions et des tournées je me suis rendu compte que nous avions plusieurs atomes crochus. Tout comme moi, la plus grande qualité de Yves Jacques c’est qu’il est très influençable. Ainsi, si je lui demande de partir à Berlin sur une gosse pour tourner des vidéos pour mon prochain show, je sais d’avance qu’il va dire oui. Pour un metteur en scène, c’est un immense privilège que de pouvoir compter sur quelqu’un d’aussi naïf. Et par chance, la générosité de Yves est doublée d’un instinct du câlisse, alors quand le bobsleigh sort de la piste et que je suis trop dans ma tête pour réaliser que nous fonçons droit dans le kiosque de barbe à papa, Yves est là pour me taper sur l’épaule et me dire qu’il connaît un shortcut qui mène directement à la ligne d’arrivée. Autrement dit, on se complète bien et les deux on aime ça être sérieux dans nos niaiseries. Mais on aime pas juste rire, on cherche l’humanité dans chaque petit détail insignifiant. Pendant la pandémie, Yves est l’ami avec qui j’ai le plus parlé. C’est d’ailleurs pendant cette période que j’ai commencé à écrire la pièce. Peut-être que l’isolement social qu’on a vécu m’a inspiré à écrire une histoire d’amitié… J’avais besoin d’un petit Yves Jacques imaginaire avec qui me lancer la réplique alors que le monde entier était sur pause. Après ça, la vie a repris son cours «normal» presque comme si jamais rien ne s’était passé, mais plusieurs nouveaux problèmes se sont pointés le bout du nez : la crise du logement, l’inflation, la dépression, les problèmes de santé mentale, les bourdes de la CAQ… Et tout ça a continué à nourrir l’histoire que je tentais d’élaborer, mais je n’en avais aucunement conscience, j’essayais juste de laisser parler Jean-Yves et Jean-Mathieu, les deux personnages que vous découvrirez ce soir. Ils sont nés de notre amitié et même s’ils nous ressemblent sur certains points, ils sont très différents et totalement indépendants de nous deux. Mon désir premier était d’écrire une comédie universelle mais aussi très personnelle, une histoire où les contrastes sont intimement liés. La solitude avec le party, les bonheurs avec les chagrins, le drôle avec le tragique.
Quand j’ai su que la pièce était programmée à Espace Libre (la pièce y était créée en février dernier), la première chose que j’ai faite (après avoir laissé un message vocal en français soutenu à Yves pour lui dire qu’on allait être pogné pour partager une loge ensemble) c’est d’appeler mes ami.e.s concepteurs.trices pour qu’on monte ce show dans un climat d’amitié totale. Le décor, la lumière, le son, la régie et le travail technique ont été confiés à des gens que j’aime autant pour leur travail que pour leurs personnalités. Cédric, Marie-Aube, Navet, Chloé, votre touche personnelle est essentielle dans ce spectacle. C’était la première fois que je m’auto mettais en scène et j’avais grandement besoin de votre confiance pour y arriver. Nous formons une équipe avec qui j’ai déjà hâte de retravailler. Je me sens privilégié de vous avoir à mes côtés.
Alors voilà, au moment où vous lisez cette phrase je suis sûrement en train de faire semblant de me chicaner avec Yves Jacques dans la loge, car c’est notre jeu préféré de faire semblant qu’on se chicane en prenant des petites voix désagréables. Je vous laisse donc à votre vie de spectateur, n’oubliez pas de fermer tout ce qui se doit de l’être et d’ouvrir grand votre cœur.
On se reparle après la pièce dans le bar de La Licorne, ce théâtre que j’adore.
Votre humble serviteur,
Mathieu Quesnel
Auteur et metteur en scène
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Je tiens à remercier plusieurs personnes qui m’ont aidé tout au long du projet :
- Geoffrey Gaquère et l’équipe de Espace Libre, pour avoir programmé la création de la pièce et soutenu mon élan créatif.
- Philippe Lambert et toute l’équipe de La Manufacture pour le développement créatif au début de l’écriture et l’accueil lors de la reprise.
- François Martel du Théâtre La Licorne pour l’aide technique inconditionnelle (je te dois plus qu’une bière Frank !).