Entrevue avec Joan Yago García

Quelle était l’idée de départ pour l’écriture de Fairfly ?

À la base, l’idée première était de créer une comédie satirique (une farce même) à propos de ce que nous appelions « le mythe de l’entrepreneuriat ». Mais nous avons réalisé qu’il était plus intéressant de raconter l’histoire de l’intérieur. Au lieu de critiquer et de se moquer de ceux qui ont cru à ce mythe, racontons plutôt l’histoire d’un groupe de gens normaux qui, un jour, décident de démarrer une startup et de changer le monde.

Pourquoi avoir écrit une pièce mettant en scène un projet de startup ? D’où vient votre inspiration ?

En 2015, au pire de la crise financière, ici, en Catalogne, les politiciens et les banquiers répétaient sans cesse que la raison principale de cette crise était « notre manque de culture entrepreneuriale ». Et donc, si nous n’avions pas assez d’argent pour payer nos loyers, si nous étions malheureux dans nos emplois précaires, c’était parce que nous n’étions pas assez bons, pas assez créatifs ni assez braves ou intelligents. Avec comme objectif premier de « camoufler » le nombre de chômeurs et de diviser la classe ouvrière, le gouvernement d’ici a aidé tous ceux qui le souhaitaient à devenir entrepreneurs… Si vous échouez, ce sera de votre faute. Alors ne venez pas pleurer auprès du gouvernement qui vous a aidés. Fairfly tente de démontrer le fonctionnement de ce système pervers.

Est-ce qu’on peut dire que la pièce est une critique sociale ?

Je crois que toutes les pièces sont politiques, même lorsque ce n’est pas leur intention. Donc, oui, nous voulions réfléchir aux contradictions d’un système qui place les travailleurs d’abord les uns contre les autres et, finalement, contre eux-mêmes.

La pièce a reçu un bel accueil du public et recueilli de nombreux prix en Europe. Pourquoi pensez-vous qu’elle a rejoint autant de gens ?

Tout le monde a déjà participé au moins une fois dans sa vie à un projet collectif : une compagnie, une famille, un groupe de musique… ou même un voyage entre amis. Tout le monde s’est déjà assis à une table pour essayer de bâtir quelque chose collectivement, a rêvé, discuté et est devenu fou en découvrant que « merde ! ton idée de changer le monde n’a rien à voir avec mon idée de changer le monde ». Je pense que c’est pourquoi tout le monde peut se reconnaître dans un des quatre personnages, et même plus d’un, selon les différents moments de leur vie.

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Photo: Anna Fàbrega