Entrevue avec Debbie Lynch-White et Christian Michaud

Crédit: Suzane O'Neill

Photo de la pièce Les glaces. Sur la photo: Debbie Lynch-White et Christian Michaud
Crédit photo: Suzane O’Neill

Dans Les glaces, les interprètes Christian Michaud et Debbie Lynch-White deviennent frère et sœur et entrent dans la peau de deux personnages forts qui donnent le ton à cette toute dernière œuvre de la dramaturge Rébecca Déraspe. Rencontre!

Parlez-moi de la pièce Les glaces, de son histoire et des sujets qu’elle aborde.

Debbie Lynch-White : C’est une pièce qui expose ce qui arrive quand notre passé nous rattrape. Elle soulève les questions du consentement, de la responsabilisation, de réparation, de courage et de sororité à travers l’immense humanité des personnages qui n’ont pas nécessairement toutes les réponses, eux non plus. Qu’est-ce qu’on fait quand notre vie semble s’effondrer?

Christian Michaud : Du jour au lendemain, la vie du personnage que j’interprète (Vincent) vire bout pour bout. Un viol il y a 25 ans? En faisant ressortir cette histoire, les questions fusent de partout dans sa tête. Est-ce que c’était vraiment un viol? Est-ce qu’il croyait que ce geste était grave à l’époque? Est-ce qu’il croit que c’est grave aujourd’hui, même 25 ans plus tard? Est-ce qu’il est prêt à l’assumer? Quel impact tout ça a-t-il pu avoir sur Noémie et peut avoir aujourd’hui sur sa vie à lui. Bref, ce texte de Rébecca sur le consentement sexuel et ses effets à court et à long terme est plus que jamais nécessaire dans cette époque où nous nous devons, toutes et tous, d’éduquer et de responsabiliser les générations futures.

Vous êtes frère et sœur dans la pièce. Dites-m’en plus sur vos personnages et la relation qu’ils entretiennent. Comment celle-ci nourrit-elle le texte de Rébecca Déraspe et les thèmes qui y sont explorés?

DLW : Valérie est la petite sœur de Vincent. Elle est restée à Rivière-du-Loup et y a fondé une famille. Elle a beaucoup d’humour, un grand franc-parler et ne passe pas par quatre chemins pour dire ce qu’elle a à dire. Elle s’occupe de son père veuf qui vit seul. C’est une fille qui prend les choses en charge avec aplomb! La dynamique frère/sœur est très attachante. Ils ont toujours gardé un côté gamin et ludique, même adultes. Ils se taquinent, s’envoient promener et se parlent sans tabous. Valérie essaiera de faire comprendre à Vincent qu’il doit faire face à la situation.

CM : Je crois sincèrement que le lien entre Valérie et Vincent est très bon. Une relation qu’on pourrait qualifier de relation normale entre frère et sœur, avec tout ce que ça implique de taquineries et d’agacements. Dans la pièce, Vincent est parti vivre à Montréal, alors que Valérie vit encore dans son patelin. Est-ce que le fait de partir vivre à l’extérieur pour Vincent est synonyme de curiosité ou de fuite? Je crois vraiment que, en faisant revenir son frère, Valérie souhaite lui faire réaliser qu’il doit prendre ses responsabilités et assumer ce qu’il a fait à Noémie – au minimum en lui demandant pardon. De là le thème du pardon dans la pièce, qui est aussi très présent et qui amène son lot de questionnements.

Comme interprètes, qu’est-ce qui vous allume dans l’écriture de Rébecca? Qu’a-t-elle de particulier?

DLW : Les mots de Rébecca sont du bonbon à jouer! Je me sens tellement heureuse et fière de faire partie de ce spectacle! J’adore les silences dans son écriture, la grande humanité parfois maladroite des personnages. Elle a une façon de matérialiser les rythmes des temps et des répliques qui fait que, comme interprète, tu as entre les mains une partition où tu entends ce qu’elle entend. On sent vraiment qu’on peut se laisser porter par les mots, s’abandonner. Sa grande force est de traiter de sujets denses et délicats avec des pointes d’humour et une légèreté qui fait ressortir l’absurdité de la vie et de certaines situations. Jouer du Déraspe, c’est être à la fois dans de l’intime et du grandiose.

CM : Quand j’ai lu la première version des Glaces de Rébecca, lors de la lecture publique du CEAD, j’ai immédiatement ressenti un plaisir immense à dire les mots, c’est fluide. C’est une écriture très musicale, c’est comme une partition, le rythme nous est dicté dès les premières phrases. Les dialogues coulent et donc s’impriment facilement dans la mémoire. Elle a un sens très aiguisé pour la réplique assassine: cette réplique où tu ne peux te retenir d’éclater de rire, mais qui, dans le fond, est terrible. J’ADORE CA!!!

Pourquoi venir voir Les glaces? Comment souhaiteriez-vous que les spectatrices et spectateurs en ressortent?

DLW : Je pense que ce texte ne laissera personne indifférent. En tout cas, il ouvre un dialogue où personne n’a toutes les réponses, mais où on se sent tous et toutes concerné·e·s. Ce texte est une prise de parole importante, surtout dans le contexte social actuel. Je souhaite juste qu’il nous donne plus de force et de courage. On n’aura jamais trop de ça!

CM : Encore une fois, j’ose le répéter, ce spectacle est nécessaire pour tout le monde, toutes générations confondues. Commencer la saison théâtrale avec une poésie unique, des émotions intenses et un message fort, c’est pas trop plate. Je suis convaincu que l’art a le pouvoir d’allumer des lumières dans l’humain et, ainsi, de faire évoluer chacune et chacun de nous. Ce spectacle en est probablement une très bonne preuve.