Deux interprètes de la pièce Julie
Entrevue avec Madani Tall et Pénélope Ducharme
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Julie est une pièce qui réunit sur scène sept acteurs et actrices de la relève. Pénélope Ducharme et Madani Tall, deux des interprètes qui incarnent les adolescent·es dont la vie est chamboulée, nous parlent du travail accompli et de leur vision de l’oeuvre de Sarianne Cormier.
La pièce s’inspire de faits vécus. Comment avez-vous approché vos rôles en sachant cela ? Et comment Sarianne vous a-t-elle dirigé·es ?
Pénélope Ducharme On a approché toute la pièce avec le plus d’humanité possible, je crois que c’était ce qu’on se rappelait au début de chaque répétition. Quand des événements comme celui-ci se produisent, ce qu’on entend ce sont surtout des récits sensationnalistes – on oublie que c’est arrivé dans la vie et pas seulement sur un podcast de true crime et que ça a eu de vraies répercussions sur de vraies personnes. Sarianne est d’une honnêteté désarmante et je nous sens très privilégié·es qu’elle se livre à nous et qu’elle nous fasse confiance avec un texte et une histoire si personnels. Elle nous dirige en répondant à toutes nos questions – au meilleur de sa mémoire, on parle ici d’événements survenus il y a 25 ans – et en nous peignant un portrait très détaillé de l’époque et de l’atmosphère qui régnait à cette période. Le cours des événements est réel, les enjeux le sont aussi, mais c’est important de savoir qu’une très grande part de la pièce est bien empreinte de fiction.
Madani Tall Dans un premier temps, il s’agissait de faire preuve d’une grande humilité pour être disposé à recevoir toute la richesse qu’avait besoin de nous transmettre Sarianne en racontant une part de son histoire. Ensuite, les mots d’ordre furent la Confiance et la Disponibilité pour permettre à Sarianne de nous porter à sa manière aux bons endroits de l’interprétation. Finalement, ce que je retiens le plus de cette expérience de recherche artistique, c’est à quel point, même si nous interprétions un groupe d’ami·es uni·es par une même tragédie, chaque rôle réagit de façon unique, bien que viscérale. Cela demande alors presque un don de soi vis-à-vis de nos partenaires de jeu pour se rendre au bon endroit qui nous permettrait de faire exister les scènes.
En tant qu’artistes de la relève, qu’est-ce que ça signifie pour vous de prendre part à ce projet ?
Madani Le fait qu’on me sollicite pour raconter un moment dont les racines sont ancrées au Québec dans les années 90 renforce mon sentiment d’appartenance vis-à-vis de cette culture. Ce n’est plus seulement le drame de ceux qui l’ont vécu, mais aussi de ceux qui le racontent, des individus qui sont là pour recevoir notre spectacle.
Pénélope Je me sens simplement vraiment gâtée. C’est majeur de jouer autant de représentations, à Montréal de surcroît. L’expérience que j’ai depuis que je suis sortie de l’école il y a deux automnes, je l’aime. J’ai eu la chance de faire de la tournée et de jouer pour les tout-petits et je suis vraiment excitée de prendre tout ce bagage et de le ramener à la maison pour jouer devant un tout autre public, devant des amis, de la famille et des collègues. Je crois qu’avec cette pièce, il y a au moins un élément nouveau pour chacun·e et ça apporte un certain émerveillement et une magie à ce projet, énergie dans laquelle j’aime beaucoup travailler. C’est aussi la première mise en scène de cette envergure pour Sarianne, elle n’a jamais dirigé, à elle seule, autant de gens sur une scène de théâtre et c’est un privilège de vivre ça avec elle et de se dire qu’on essaie des affaires! Il y a tellement de belles choses qui peuvent naître d’un groupe de personnes qui se lancent dans le vide en se faisant confiance mutuellement.
Pourquoi faut-il assister à ce spectacle ?
Pénélope Je pense que les gens devraient venir voir le show parce que ça fait du bien de voir quelque chose qui est beau par son impudeur. Vous allez voir sur scène une bande de jeunes de 16, 17 ans. Déjà, avoir cet âge-là, c’est ingrat. On change, on ne comprend pas ce qui se passe, on est fâché·es parce que, peu importe ce qu’on vit, on a l’impression qu’on est seul·es là-dedans. Et là, ces sept jeunes font face à un drame qui les met réellement dans une situation où personne ne pourrait les comprendre. Et ils le sentent, ça, sans toujours avoir le vocabulaire pour bien l’extérioriser. Ils sentent la condescendance, volontaire ou non, des adultes, ils sentent leur manque de mots. C’est ça l’affaire, les ados, ça sent tout, trop des fois. Les gens devraient venir voir Julie pour se souvenir d’elle, se rappeler que la vie a continué et que ce n’est pas parce que Julie est restée là-bas, en 1999, qu’elle ne suit pas, tous les jours, tel un fantôme, une tonne de gens.
Madani C’est un texte qui se déploiera dans une salle dont la force est le rapport d’intimité. Ainsi, je me doute qu’il y aura un sentiment d’unisson face à ce qui sera entendu. C’est aussi un spectacle dont la mise en scène a su injecter à ses interprètes une rage de vivre face au crime commis contre la jeunesse.
Photo: Camille Gladu-Drouin